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Précision par le Conseil d’état de la notion de perte involontaire d’emploi d’un fonctionnaire territorial de retour d’un détachement pour bénéficier de l’allocation chômage.

Le 22 mars 2024
Précision par le Conseil d’état de la notion de perte involontaire d’emploi d’un fonctionnaire territorial de retour d’un détachement pour bénéficier de l’allocation chômage.
L’agent d’un CCAS de retour d‘un détachement qui refuse un emploi dans la commune de rattachement ne peut être reconnu comme avoir notamment été privé involontairement d’emploi et, en conséquence, ne peut bénéficier de l’allocation chômage.

Conseil d’Etat 29 novembre 2023, CCAS de Javille-La-Malgrange, req. n° 470421, mentionné aux tables du recueil, conclusions du rapporteur public Mathieu Le Coq, BJCL n° 12/2023 p. 842

 

 

 

TITRE :

 

Précision par le Conseil d’état de la notion de perte involontaire d’emploi d’un fonctionnaire territorial de retour d’un détachement pour bénéficier de l’allocation chômage.

 

 

 

Fondement textuel :

 

-        Articles L. 5422-1 et L 5424-1 du Code du travail

-        Article L 513-24 du Code général de la fonction publique (ancien article 67 de la Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant disposition statutaire relative à la fonction publique territoriale)

-        Article 10 du Décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement

-        Articles L 542-4 à L 542-6 du CGFP

-        Articles L 123-4 et L 123-6 du Code de l’action sociale et des familles

 

 

 

 

Solution :

 

Un fonctionnaire territorial employé par un Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) n’a pas droit à l’Allocation de Retour à l’Emploi (ARE) au terme de son détachement dans une société privée s’il refuse un emploi au sein de la commune de rattachement, en dépit des personnalités juridiques distinctes de la commune et du CCAS.

 

 

« 8. Lorsqu'en revanche le fonctionnaire territorial, soit à l'expiration de la période pendant laquelle il a été placé en détachement, soit au cours de sa période de réintégration en surnombre, refuse un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine, il est placé en position de disponibilité d'office et ne peut alors prétendre au bénéfice de l'allocation d'assurance instituée par l'article L. 5422-1 du code du travail dès lors qu'il ne peut être regardé comme ayant été involontairement privé d'emploi, à moins qu'il ne justifie son refus par un motif légitime.


9. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à l'expiration de la période initialement prévue pour son détachement auprès de la société Médica France, Mme A... s'est vu proposer plusieurs emplois correspondant à son grade qui étaient vacants au sein de la commune de Jarville la-Malgrange. S'il est vrai que le centre communal d'action sociale est, en vertu de l'article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles, un établissement public, distinct de la commune, il résulte de ces dispositions et des autres dispositions de ce code qui le régissent, notamment les articles L. 123-4, L. 123-8 et R. 123-23, qu'il est obligatoirement créé dans toute commune d'au moins 1 500 habitants, la commune pouvant en exercer directement les attributions dans les communes plus petites, que son conseil d'administration est présidé par le maire, qui en nomme certains membres ainsi que le directeur, et que certaines de ses délibérations sont soumises à l'avis ou à l'avis conforme du conseil municipal. Dans ces conditions particulières, la proposition faite, à un agent d'un centre communal d'action sociale, pour l'application des dispositions de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984, d'un emploi correspondant à son grade relevant de la commune doit être regardée comme permettant d'assurer à l'intéressé le respect de son droit à se voir proposer un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. »

 

 

Observations :

 

Une adjointe technique du CCAS de Janville-La-Malgrange a mis fin de manière anticipée à son détachement auprès d’une société privée. En l’absence d’emploi vacant au sein de son établissement d’origine elle a été placée en disponibilité

 

Ayant sollicité un poste au sein de la commune de Janville-La-Malgrange ou d’autres collectivités de la métropole du Grand Nancy, elle a refusé deux propositions d’emplois municipaux au sein de la commune précitée.

 

A l’issue de la période de disponibilité d’office, elle a demandé le bénéfice de l’ARE à son employeur, le CCAS, lequel le lui a refusé.

 

Saisi par l’agent, le Tribunal Administratif de Nancy a annulé cette décision. Le CCAS s’est alors pourvu en cassation.

 

 

 

La Haute Juridiction était ainsi appelée essentiellement à se prononcer sur la qualité de l’emploi que peut ou non légitimement refuser un agent de retour d’un détachement pour bénéficier de l’ARE à la fin de la période de mise en disponibilité d’office rémunérée.

 

 

 

De première part, le Conseil d’Etat rappelle dans cette décision une solution contentieuse classique. Le contentieux de l’indemnisation pour perte d’emploi relève du plein contentieux et non du recours pour excès de pouvoir (CE 16 juin 2021, req. n° 437800, aux tables du recueil). Il censure en l’espèce le Tribunal administratif pour s’être à tort prononcé en qualité de juge de l’excès de pouvoir et non du plein contentieux.

 

 

 

De deuxième part, pour régler au fond l’affaire, le Conseil d’Etat procède en 2 temps.

 

Tout d’abord, il rappelle les règles organisant le retour de détachement d’un agent public au sein de son administration d’origine. La réintégration d’un fonctionnaire territorial est de droit à l’issue d’un détachement

 

Il doit s’y voir proposer, à la première vacance ou à la création d’emploi, un emploi correspondant à son grade. A défaut, il est maintenu en surnombre pendant un an avec maintien de son traitement indiciaire, durée pendant laquelle son employeur doit lui proposer en priorité tout emploi créé ou vacant. Si le reclassement n’a pas abouti à l’issue de cette année, l’agent est pris en charge par le Centre de gestion ou par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en fonction de son grade, qui lui verse une rémunération, dégressive dans le temps, et lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade.

 

L’agent qui bénéficie d’une telle prise en charge ne peut bénéficier de l’allocation chômage.

 

De même, l’agent qui refuse, soit au cours de la période de disponibilité d’office, soit à la fin de son détachement, soit au cours de la période de réintégration sur un emploi correspondant à son grade, relevant de sa collectivité ou d’établissement d’origine, ne peut non plus bénéficier de l’ARE. Le fonctionnaire est en effet alors regardé comme n’ayant pas été involontairement privé d’emploi, à moins qu’il ne justifie d’un motif légitime pour rejeter la proposition, en application des dispositions de l’article L 5422-1 du Code du Travail. Le Conseil d’Etat impute dans la première hypothèse à l’agent la situation de privation d’emploi (CE 24 février 2016 Région Poitou Charente, req. n° 380116, aux tables du Recueil, s’agissant d’un agent en disponibilité pour convenance personnelle).

 

En l’espèce, le Conseil d’Etat a été amené à apprécier la notion de perte involontaire d’emploi dans un cas où des propositions avaient été faites à l’agent, non par son organisme d’origine (le CCAS) mais par la collectivité de rattachement de ce dernier (la commune).

 

Il a ainsi jugé, par que la combinaison des dispositions du Code de l’action sociale et des familles en ses dispositions relatives à la création, la nature et les modalités de fonctionnement du CCAS, que, en raison de ce mode de fonctionnement et des pouvoirs de la Commune de rattachement, tout particulièrement du Maire, que celui-ci qui cumule de droit les fonctions de Maire et Président du CCAS, les deux entités constituent en quelque sorte un unique employeur au sens du droit à l’indemnisation chômage, nonobstant leur personnalité juridique distincte.

 

Au regard de ces conditions spéciales, et pour l’application du régime de l’ARE, le juge écarte ainsi l’existence formelle de deux personnalités morales distinctes pour retenir un lien fonctionnel, privilégiant une approche fonctionnelle, en considérant que l’établissement public n’est qu’un démembrement de la collectivité, un mode de gestion du service pris en charge par le CCAS.

 

 

Cette solution est applicable quelle que soit la taille du CCAS, qu’il soit obligatoire dans les communes de plus de 1500 habitants ou facultatif en deçà (article L 123-4, L 123-8 et R 123-23 du CASF)

 

Le Juge étend ainsi la définition d’emploi correspondant au grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d’origine à celui de la collectivité de rattachement, au regard des critères strictement énumérés « dans ces conditions particulières » de l’espèce.

 

Il semble donc limiter cette extension à un degré fort d’intégration, voir de fusion, entre des collectivités et des leurs établissements publics, comme communes et CCAS, la solution pouvant a priori être raisonnablement étendue comme probablement on pourrait l’étendre aux collectivités territoriales et leurs et régies dotées de la personnalité morale, ainsi qu’aux caisses des écoles.

 

En revanche, il nous semble que la solution ne serait pas applicable aux relations entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale et syndicats intercommunaux, syndicats mixtes, dont elles sont membres, leurs adhésion n’entrainant pas ce type des relations institutionnelles aussi étroites.

 

Ce faisant, si le Conseil d’Etat semble restreindre la notion de refus d’emploi légitime des agents, il nous apparaît surtout qu’il n’étend implicitement pas les obligations d’emplois aux institutions intercommunales.

 

De manière contre intuitive, cet arrêt nous semble donc protéger les droits des agents de retour de disponibilité aux allocations pour perte d’emploi, en ne leur imposant pas de prendre un emploi dans une structure géographique qui peut s’avérer très étendue et sur des emplois parfois éloignés de leurs compétences fonctionnelles.

 

Cette hypothèse mériterait toutefois d’être confirmée par le Juge, pour ne pas compromettre la sécurité juridique de ce système d’indemnisation chômage des agents, tant pour eux-mêmes que pour leurs employeurs publics.

 

 

 

 

Pratique :

 

L’agent d’un CCAS de retour d‘un détachement qui refuse un emploi dans la commune de rattachement ne peut être reconnu comme avoir notamment été privé involontairement d’emploi et, en conséquence, ne peut bénéficier de l’allocation chômage.

 

 Delphine KRUST

Avocat à la Cour

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