Le Conseil d’État, dans un avis du 14 novembre 2012, rappelle les conditions de validité du retrait d’une délégation du maire à un adjoint et en précise les conséquences sur le sort des délégations éventuellement accordées à des conseillers municipaux.
« (…) il est loisible au maire d'une commune, sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par un motif étranger à la bonne marche de l'administration communale, de mettre un terme, à tout moment, aux délégations de fonctions qu'il avait données à l'un de ses adjoints. Dans ce cas, il est tenu de convoquer sans délai le conseil municipal afin que celui-ci se prononce sur le maintien dans ses fonctions de l'adjoint auquel il a retiré ses délégations.
A la date à laquelle il procède au retrait des délégations qu'il avait données à un adjoint, le maire n'est pas tenu de remettre en cause celles qu'il a pu attribuer à des conseillers municipaux. Si le conseil municipal se prononce contre le maintien dans ses fonctions de l'adjoint auquel le maire a retiré ses délégations et que les adjoints demeurant en fonction sont tous pourvus de délégations, les délégations attribuées à des conseillers municipaux peuvent être maintenues, sans qu'il soit porté atteinte au droit de priorité des adjoints dans l'attribution des délégations. En revanche, si le conseil municipal se prononce pour le maintien dans ses fonctions de l'adjoint auquel le maire a retiré ses délégations, le maire est tenu de retirer sans délai les délégations attribuées à des conseillers municipaux, sauf à conférer à l'adjoint intéressé une nouvelle délégation.
Ces règles s'appliquent quel que soit le champ des délégations données par le maire à l'adjoint auquel il les retire et aux autres membres du conseil municipal »
Le Tribunal administratif de Toulon avait saisi pour avis le Conseil d’Etat de plusieurs questions d’application des dispositions de l’article L. 2122-18 du CGCT dans sa rédaction issue des lois des 27 février 2002 et 13 août 2004.
Le premier de ces textes avait ajouté à l’article précité du code que le maire peut donner délégation à des conseillers municipaux dès lors que les adjoints sont tous titulaires d’une délégation (article L. 2122-18 alinéa 1er).
Le second avait précisé que lorsque le maire retire les délégations qu’il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions (article L. 2122-18 dernier alinéa).
Les questions soulevées par le Tribunal quant à l’application de ces deux textes étaient les suivantes :
- le droit de priorité des adjoints s’oppose-t-il à ce que le maire, après avoir consenti une ou plusieurs délégations à des conseillers municipaux, notamment parce que tous les adjoints sont titulaires d’une délégation, puisse retirer ou abroger une délégation consentie à un adjoint sans procéder, au préalable, au retrait des délégations consenties aux conseillers municipaux ?
- ce droit de priorité des adjoints doit-il être respecté, y compris dans le cas où la délégation que le maire entend retirer à un adjoint concerne un domaine étranger aux délégations accordées aux conseillers municipaux ?
Après avoir brièvement rappelé les conditions de légalité tenant au motif du retrait par le maire d’une délégation à un adjoint (1), le Conseil d’Etat a précisé comment ce retrait devait être concilié avec le droit de priorité reconnu par la loi aux adjoints (2). Certaines interrogations demeurent toutefois (3).
1. Rappel des conditions de légalité tenant au motif du retrait des délégations
De manière succincte, en rappelant que « il est loisible au maire d’une commune, sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par un motif étranger à la bonne marche de l’administration communale, de mettre un terme, à tout moment, aux délégations de fonctions qu’il avait données à l’un de ses adjoints », la Haute juridiction confirme sa position en la matière.
Il est en effet de jurisprudence désormais bien établie, après une hésitation en 1976 (CE, 24 mars 1976, commune de Bouc-Bel-air, rec. p. 790) que le retrait ne peut intervenir dans un but autre que celui de l’intérêt du service ou la bonne marche de l’administration communale (CE, 16 juin 1939, Poli, Rec. p. 406 ; 11 avril 1973, Nemoz, Rec. p. 657 ; 29 juin 1990, de Marin, Rec. p. 183 ; 11 octobre 1991, Ribaute et Balanca, rec. p. 331).
2. Les éclaircissements apportées par l’avis sur le droit de priorité des adjoints
Dans son dernier état antérieur aux modifications apportées à l’article L. 2122-18 par les lois des 27 février 2002 et 13 août 2004, la jurisprudence considérait que si le maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations qu’il a consenties à l’un de ses adjoints, il ne peut légalement prendre une telle décision que pour autant qu’aucun conseiller municipal ne se trouve alors lui-même investi d’une délégation (CE, 4 juin 1997, commune de Bompas, Rec. p. 205, CAA Paris, 23 novembre 2004, commune de Chatou, n° 01PA01899 ;6 juillet 2004, maire du XIIème arrondissement, n° 01PA01601).
Les évolutions de 2002 et 2004 on soulevé la question de la pérennité de cette jurisprudence.
Ainsi, en premier lieu, l’extension par la loi de 2002 de la possibilité de délégations aux conseillers municipaux dès lors que les adjoints sont tous titulaires d’une délégation a fait conclure à la doctrine administrative que le retrait des délégations à un adjoint ne remettait plus en cause les délégations accordées aux conseillers (Rép. min. n° 05737, JO Sénat 17 avril 2003, p. 1348 ; n° 24208, JO Sénat 7 février 2008, p. 243), solution également retenue par une juridiction du fond (TA Rennes, 18 décembre 2003, Kuntz,, n° 031537), d’autres s’étant cependant prononcées en sens inverse (TA Montpellier, 22 octobre 2009, Carabelli-Séjean, AJDA 2010, 157, concl. De Monte : TA Grenoble, 16 mars 2007, vo Thanh, n° 0304126).
En second lieu, la loi de 2004 a prévu que lorsque le maire a retiré les délégations qu’il a données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions, ce dont la doctrine administrative a déduit que si le conseil décide de maintenir un adjoint sans délégation, le maire ne pourra pas prendre par la suite un arrêté de délégation attribuant à des conseillers municipaux les délégations retirées à l’adjoint en cause (Rép. min. 14627, précitée).
Si un auteur avait considéré que, après les réformes de 2002 et 2004, on pouvait soutenir sans risque excessif que le retrait de délégation était possible à la seule condition qu’il soit justifié par des motifs tenant à la bonne marche de l’administration communale, il appelait de ses voeux une décision du Conseil d’Etat venant « fixer clairement l’état du droit » (F-P Bénoit, Encycl Coll Terr, , 480-234).
L’avis rapporté répond en grande partie à cette attente.
Ainsi, la Haute Assemblée indique, tout d’abord, que lorsqu’il procède au retrait des délégations accordées à un adjoint, le maire n’est pas tenu de remettre en cause celles qu’il a pu attribuer à des conseillers municipaux, rompant ainsi avec la jurisprudence Bompas.
Il doit, en revanche, sans délai, convoquer le conseil municipal, afin que celui-ci délibère sur le maintien de l’adjoint en cause dans ses fonctions, en application du dernier alinéa de l’article L. 2122-18.
Dès lors, deux hypothèses se présentent.
Soit le conseil se prononce contre le maintien de l’adjoint dans ses fonctions, auquel cas le retrait de sa délégation ne remet pas en cause celles attribuées à des conseillers municipaux, dès lors que tous les adjoints demeurant en fonctions bénéficient d’une délégation.
Si, en revanche, il se prononce pour le maintien en fonctions, le maire est tenu de retirer sans délai les délégations attribuées à des conseillers, sauf à accorder une nouvelle délégation à l’adjoint en cause.
On peut en déduire qu’a fortiori il ne peut investir de nouveaux conseillers d’une délégation.
Ces règles sont applicables quel que soit le champ des délégations de l’adjoint auquel elles sont retirées et celui des délégations des conseillers.
Les conditions du retrait de ses délégations à un adjoint et ses conséquences sur le sort de celles dont peuvent bénéficier des conseillers municipaux sont ainsi clarifiées.
Quelques interrogations demeurent toutefois
3. Des interrogations subsistantes
La première concerne la convocation du conseil municipal.
Celle-ci doit, selon l’avis, intervenir « sans délai », ce qui laisse à penser que la question du maintien dans ses fonctions de l’adjoint auquel ses délégations ont été retirées, doit être mise à l’ordre du jour du plus proche conseil suivant la décision de retrait.
En cas d’inaction du maire, la convocation pourra intervenir à l’initiative du Préfet ou d’un majorité qualifiée des membres du conseil dans les conditions prévues à l’article L. 2121-9 du CGCT.
La seconde interrogation concerne la mise en œuvre de l’obligation de retirer les délégations des conseillers si l’adjoint a été maintenu en fonctions sans délégation.
La notion de « sans délai » implique sans doute que le maire doit réagir rapidement après la délibération du conseil, dans un laps de temps qu’il appartiendra au Juge d’apprécier in concreto.
S’il ne procède pas au retrait des délégations des conseillers, la demande pourrait lui en être faite par tout intéressé, qui pourrait attaquer son refus.
En outre, il pourrait être soutenu que les délégations ainsi irrégulièrement maintenues entachent d’illégalité les actes pris en leur application.
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