L’agent dont il est mis fin de manière anticipée à son détachement dans l’emploi fonctionnel de directeur général des services a droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi, lorsqu’il opter pour un licenciement alors même qu’il remplissait les conditions pour bénéficier du congé spécial (CAA Marseille, 23 octobre 2012, Edith Laenger, req. n° 10MA02730, à paraître au recueil).
Cette décision juge les droits pécuniaires d’un agent auquel il est mis fin, de manière anticipée, à son détachement dans l’emploi fonctionnel de directrice générale des services d’une commune. Cette rupture entraîne en effet la perte de son emploi. La question posée est alors celle de son droit à bénéficier de l’allocation pour perte d’emploi.
« Lorsqu’une administration met fin au détachement de l’un de ses agents sur un emploi fonctionnel sans être en mesure de lui offrir un emploi correspondant à son grade et lorsque celui-ci, en application du choix que lui offrent les dispositions de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, opte, alors même qu’il aurait pu prétendre au bénéfice d’un congé spécial dont il remplissait les conditions, pour le versement d’une indemnité de licenciement, il doit être regardé comme ayant été volontairement privé d’emploi, au sens des dispositions de l’article L. 5421-1 du Code du travail dès lors que la rupture des relations de travail résulte, en dépit de ladite option, de la volonté initiale de la collectivité qui l’emploie de lui retrier ses attributions. »
La directrice générale des services d’une commune avait été « déchargée de fonction » par le maire nouvellement élu et n’avait pu bénéficier d’un reclassement faute d’emploi vacant. Elle avait alors opté pour une mesure de licenciement comme l’y autorise la loi statutaire et perçu, à ce titre une indemnité de licenciement. Elle s’était ensuite inscrite comme demandeur d’emploi, sollicitant de la collectivité l’attribution de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, qui lui fut refusée par le maire, au motif qu’elle aurait pu demander à bénéficier du congé spécial et qu’à défaut, elle n’était pas en situation d’être involontairement privée d’emploi. Le tribunal administratif jugeant à juge unique avait rejeté sa requête en annulation de la décision de refus. Saisie en appel, la Cour censure le jugement et enjoint au maire de procéder au réexamen de la demande d’octroi de l’allocation d’assurance chômage.
Si tout agent ayant perdu involontairement son emploi dans fonction publique bénéficie, de plein droit, du versement de l’allocation pour perte d’emploi du code du travail, la situation d’un « déchargé de fonctions » s’avérait plus délicate à déterminer dans la mesure où il bénéficie de garanties et protections législatives destinées à le protéger, en contre partie du caractère encore politique de sa nomination et de son maintien en fonction. Outre l’encadrement strict des modalités de rupture de ce détachement (délai de prévenance, information de l’organe délibérant, respect des droits de la défense…), le législateur avait veillé à assurer une certaine sécurité financière de l’agent et à protéger ses droits pécuniaires et statutaires.
C’est ainsi que l’article 53 alinéa 1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoit :
« Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. »
L’agent bénéficie ainsi d’un véritable droit à option lorsque sa réintégration s’avère et impossible : il peut solliciter un reclassement (articles 97 et 97 bis de la loi), préférer un licenciement ou, s’il remplit les conditions d’âge et d’ancienneté, demander le bénéficie du congé spécial (article 99 de la loi). Ces options sont de droit et l’autorité territoriale est en situation de compétence liée pour les accorder sur demande de l’agent (CE 30 mars 2009, Commune de Lons-le-Saunier, req. n° 306991, concl. E. Geffray).
Aux termes des dispositions de l’article L. 5424-1 du Code du travail, les agents des collectivités territoriales ont droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi dans les conditions prévues à l’article L. 5422-1 et suivants. Il leur est alors fait application des mêmes règles qu’aux salariés, en application du décret du 23 février 206 portant agrément de la convention relative à l’ARE.
Ce dernier règlement vise expressément les cas des personnes victime d’un licenciement.
La Cour fonde directement la solution sur la combinaison de ces textes de droit social, pour qualifier l’agent d’involontairement privée d’emploi, indépendamment spéciales applicables à son statut.
Il fait ainsi fi des choix de l’agent lors de l’exercice de son droit de ne pas préférer être placé en position de congé spécial qui lui pourtant assurer une rémunération. Pour la Cour, seule importe que l’initiative de rompre les relations d’emploi (« de travail » selon l’expression même du juge) résulte d’une décision de l’administration. Dans ces conditions, la rupture anticipée du détachement est qualifiée de perte involontaire d’emploi, au seins du code du travail.
Cette solution nous semble devoir être approuvée dans la mesure où elle protège l’agent qui subit la décision de rupture et la perte de son emploi. Il se trouve dans une situation de grande précarité économique et fonctionnelle. Il conserve ainsi toute liberté d’exercer son droit à option entre licenciement et congé spécial ou reclassement, dégagé de la menace de perdre toute indemnisation d’assurance chômage. Juger inversement aurait abouti à dénier cette liberté consacrée par la loi et la vider de sens.