Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une protestation électorale contre les élections de MM. Devedjian dans les Hauts-de-Seine et Plagnol dans le Val-de-Marne lors du scrutin des élections législatives, les 10 et 17 juin 2012 (décision du Conseil constitutionnel n° 2012-4563/4600 AN 18 octobre 2012).
Les candidats malheureux critiquaient l’élection de ces députés, au motif que ces derniers avaient choisi, en qualité de suppléants, des personnes figurant sur la liste des candidats aux élections sénatoriales.
En effet, les dispositions de l’article LO 134 du Code électoral disposent que : « Un député, un sénateur ou le remplaçant d’un membre d’une assemblée parlementaire ne peut être remplaçant d’un candidat à l’Assemblée nationale ».
Les députés élus avaient soulevé, en réplique à ces protestations, une question prioritaire de constitutionnalité de ces dispositions, reprochant essentiellement à ce texte d’opérer une rupture d’égalité entre les candidats, dès lors que cette même interdiction n’est pas prévue pour les candidats au Sénat déjà suppléants d’un député. Ils en tiraient la conséquence que ce texte méconnaissait les dispositions de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 3 de la Constitution.
Cependant, le Conseil constitutionnel a écarté cette question, considérant que l’examen de ce moyen avait été examiné par cette juridiction lorsqu’elle avait déclaré conforme à la Constitution, la loi organique du 10 juillet 1985, sans qu’aucun changement de circonstance ne justifie un nouvel examen.
Au fond, le juge électoral rappelle succinctement une décision rendue le 8 novembre 1988 à l’occasion du contentieux électoral portant sur les élections législatives qui se sont déroulées dans la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis (décision n° 88-1063/1067 AN du 8 novembre 1988), par laquelle il avait fait application des dispositions de l’article LO 134 au candidat élu qui avait choisi pour suppléant un candidat figurant sur la liste des candidats aux élections sénatoriales, immédiatement après l’unique candidat élu.
Il avait alors exposé les raisons pour lesquelles l’inéligibilité de ce candidat immédiatement suivant sur la liste était prononcée. Il s’agissait « d’assurer la disponibilité permanente de la personne appelée à remplacer le parlementaire dont le siège devient vacant ».
Il juge ainsi que cette disposition « fait obstacle à ce qu’un candidat à l’Assemblée nationale puisse choisir comme remplaçant la personne qui, en cas de vacance d’un siège de sénateur, serait immédiatement appelée à remplacer ce dernier ».
On relèvera à cet égard que cette inéligibilité ne frappe que le candidat immédiatement inscrit à la suite du candidat élu sur la liste des sénatoriales. Ne semble pas touché par cette prohibition, en revanche, le candidat figurant sur la liste des sénatoriales, qui ne serait pas le premier remplaçant des premiers candidats élus (Conseil constitutionnel, 8 novembre 1988, AN Seine-Saint-Denis, 6e circonscription).
Le Conseil constitutionnel était incidemment appelé, dans le contentieux électoral concernant M. Devedjian, à se prononcer sur l’effet de la démission du remplaçant de la liste des élections sénatoriales.
Le juge électoral considère cette circonstance comme sans aucune incidence sur l’application de l’article LO 134, au motif qu’il ne peut pas être renoncé par avance à l’exercice d’un mandat, la qualité de remplaçant du parlementaire ne constituant pas pour ce dernier une fonction dont il pourrait se démettre.
Le ministre de l’intérieur avait émis une opinion identique lorsque, interrogé par un député à ce sujet, il avait rappelé que la personne désignée en qualité de suppléant n’était appelée à remplacer le parlementaire que sous une condition suspensive et aléatoire, et ne détenait aucun mandat ni fonction ni pouvoir électoral. Aussi, constatant qu’une démission ne peut concerner qu’un mandat ou une fonction effective, le ministre avait rejeté la possibilité de démissionner par avance de ses fonctions (Rep. Min. QE 44 870, JOAN 9 décembre 1996, p. 6481).
Enfin, le Conseil constitutionnel tire les conséquences de l’inéligibilité du suppléant du candidat aux élections législatives. Celle-ci affecte la régularité de l’élection et entraîne, par voie de conséquence, l’annulation de l’élection du député (considérant n° 10).
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