Par une récente ordonnance (TA Strasbourg, ord., 2 mars 2011, n° 1100962)., prononcée en tant que juge des référés libertés, le Président du Tribunal administratif de Strasbourg a confirmé que les rapports internes entre élus au sein des assemblées locales ne relèvent pas d’une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L.521-2 du CJA.
Ce texte, introduit par la loi du 30 juin 2000, prévoit :
« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
En l’espèce, un membre du conseil de la communauté urbaine de Strasbourg avait contesté, par la voie du référé liberté, le refus du Président de cette assemblée de lui donner la parole en séance, considérant que cette décision portait atteinte à la liberté fondamentale que constitue « le droit d’expression des membres des assemblées délibérantes des collectivités locales » et demandé au juge administratif qu’il soit enjoint à cette autorité de lui donner la parole à la réunion du conseil suivant.
Le Président du Tribunal a rejeté cette demande au motif que :
« à supposer la décision illégale, et pour regrettable qu’elle pourrait être, [la décision de refus de lui donner la parole] ne concerne que les rapports internes au sein de la communauté urbaine et ne eut, par suite, être regardée comme portant atteinte à une liberté fondamentale à laquelle le législateur aurait accordé une protection juridictionnelle particulière ».
En effet, le Conseil d’Etat (CE sect. 18 janvier 2001, commune de Venelles c/ M. Morbelli, req. n° 229247, rec. RFDA 2001, p. 681, concl. Laurent Touvet, note Michel Verpeaux), a, déjà jugé que ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale le refus du maire de convoquer le conseil municipal pour une désignation de délégués communaux :
« Considérant en premier lieu, que, si le principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution, est au nombre des libertés fondamentales auxquelles le législateur a ainsi entendu accorder une protection juridictionnelle particulière, le refus opposé par le maire de Venelles aux demandes qui lui avaient été présentées en vue de convoquer le conseil municipal pour que celui-ci délibère sur l'objet mentionné ci-dessus ne concerne que les rapports internes au sein de la commune et ne peut, par suite, être regardé comme méconnaissant ce principe ; qu'il suit de là que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a méconnu la portée des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative en faisant droit, sur le fondement de ce texte, aux demandes dont il avait été saisi en vue d'enjoindre au maire de convoquer à cette fin le conseil municipal ;
Considérant en second lieu, que le refus de convocation en cause ne porte, contrairement à ce qu'ont soutenu les demandeurs de première instance, aucune atteinte à la liberté d'expression des conseillers municipaux ou au droit d'expression de la démocratie locale, non plus qu'au droit de vote et de représentation. »
Ce faisant, le juge distingue très clairement les droits des élus à l’égard des citoyens, c'est-à-dire les conditions de l’exercice de leur mandat en dehors du fonctionnement des organes statutaires de la collectivités, et les droits attachés au statut de l’élu qui, tels le droit d’expression dans les bulletins d’informations locales, constituent une liberté fondamentale que l’autorité exécutive est tenue de respecter, dans les conditions prévues par le règlement intérieur de l’assemblée délibérante (TA Besançon, ord., 21 février 2003, M. Jean-Claude COLLIN, req. n° 03-218, BJCL n° 5/03, p. 327).
En effet, ce dernier droit, ainsi que l’a exprimé le commissaire du Gouvernement, Olivier COUVER-CASTERA, consiste à « garantir le respect du pluralisme dans l’expression des tendances politiques représentées au sein des assemblées locales, dans les supports de communication qui existent » (« Le droit d’expression des élus locaux dans les bulletins d’informations (à travers la jurisprudence du tribunal administratif de Versailles) », Olivier COUVER-CASTERA, AJDA 2004, p. 1801).
La seule difficulté à laquelle le juge des référés libertés du tribunal administratif de Strasbourg était confronté consistait à déterminer la portée du droit des élus à poser des questions orales lors des assemblées locales. Il a considéré que ce droit, limité à la seule prise de parole sans débat, ne concernait que l’organisation des rapports internes, il a apprécié la nature de ce droit et tiré les conséquences, selon la jurisprudence « commune de Venelles ».
A l’inverse, il est permis de considérer que le droit d’expression des élus au sein des assemblées locales de discuter et débattre des affaires appelées à l’examen des élus revêtirait le caractère le caractère d’une liberté fondamentale (étant rappelé que le juge administratif a eu l’occasion de sanctionner les limites et atteintes disproportionnées portées à ces droits (CAA Versailles, 30 décembre 2004, Commune de Taverny ; CAA Paris, 22 novembre 2005, Commune d’Issy-les-Moulineaux).
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