Le couperet est tombé pour Jérôme Morin. Ce fonctionnaire de la mairie de Pontault-Combault est l’auteur du livre « Abruti de fonctionnaire ». Dans ce pamphlet publié en 2011 sous le pseudonyme d’Henri Rouant-Pleuret, il raconte son quotidien au travail sur un ton parfois acide.
L’homme de 39 ans avait révélé en être l’auteur dans nos colonnes en octobre 2012. Suspendu depuis, il vient d’écoper d’un châtiment record pour un fonctionnaire dans sa situation : dix-huit mois de mise à pied sans solde, dont six avec sursis, pour « manquement à l’obligation de réserve ».
« Je suis vraiment choqué par la lourdeur de cette sanction, s’indigne Jérôme Morin. Je ferai appel car j’estime que la situation que je décris dans le livre n’a pas été prise en compte dans ce jugement. » Il égrène les raisons de son mal-être au travail au long des quelque 300 pages d’« Abruti de fonctionnaire ». Harcèlement moral, pressions, mise au placard… Ces conditions l’ont mené à la dépression nerveuse et ses supérieurs n’auraient rien vu.
« Cela ne justifie pas que l’on écrive des choses d’une telle violence, estime Monique Delessard, maire
PS de Pontault-Combault. Ce n’est pas en se déchaînant de la sorte qu’il aurait pu faire changer les choses. »
« Ecrire était un exutoire », s’explique Jérôme Morin. S’il a été dur envers certains de ses collègues, il pense « qu’ils ont compris la finalité de [son] livre ». Un avis que ne partage pas la maire de Pontault-Combault, qui a décidé de cette lourde sanction. « S’est-il préoccupé des gens dont il parlait dans son livre lorsqu’il a rendu les choses publiques, s’interroge Monique Delessard. Je me dois de protéger les agents de la ville. Ces douze mois de mise à pied permettront de mettre de la distance entre Jérôme Morin et les autres
fonctionnaires. »
L’écrivain a tout de même reçu de nombreux soutiens. Son livre s’est vendu à plus de 5000 exemplaires et sur
Internet, d’autres employés territoriaux assurent connaître la même situation. Il a également reçu le soutien de Zoé Shepard, une fonctionnaire du conseil régional d’Aquitaine qui a aussi écrit sur sa condition. « Au lieu de réagir en vierge outragée, l’administration devrait lire et comprendre le sens de ces ouvrages, estime Me Delphine Krust, avocate de Jérôme Morin. Elle pourrait mettre à profit ces alertes afin d’améliorer son fonctionnement. »
Le parisien édition 77, le 8 février 2013, Nicolas Silvan