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Précision ministérielle sur le champ d’application du nouvel article L. 1111-6 du CGCT en matière de participation d’un élu intéressé à la délibération de l’assemblée délibérante à laquelle il appartient

Le 18 juillet 2023
Le ministre a apporté certains éclaircissements sur les conditions d’application du nouvel article L. 1111-6 du CGCT, rappelant surtout que son bénéfice était soumis à certaines conditions et qu’il ne conférait pas aux élus une protection absolue.

Une réponse ministérielle précise le champ d’application du nouvel article L. 1111-6 du CGCT en matière de participation d’un élu intéressé à la délibération de l’assemblée délibérante à laquelle il appartient

 

Rép. Min. Jean-Louis Masson, JO Sénat, 16 mars 2023, p. 1854, n° 01843

 

 

 

Dans sa nouvelle rédaction, issue de l’article 217 de la loi dite « 3DS » du 21 février 2022[1], l’article L. 1111-6 du CGCT avait clarifié et assoupli les conditions dans lesquelles les élus locaux peuvent légalement participer aux délibérations des organismes extérieurs au sein desquels ils représentent leur collectivité.

 

L’article précité dispose ainsi, d’une manière générale[2] :

 

« I.- Les représentants d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales désignés pour participer aux organes décisionnels d'une autre personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé en application de la loi ne sont pas considérés, du seul fait de cette désignation, comme ayant un intérêt, au sens de l'article L. 2131-11 du présent code, de l'article 432-12 du code pénal ou du I de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant la personne morale concernée ou lorsque l'organe décisionnel de la personne morale concernée se prononce sur une affaire intéressant la collectivité territoriale ou le groupement représenté.


II.- Toutefois, à l'exception des délibérations portant sur une dépense obligatoire au sens de l'article L. 1612-15 du présent code et sur le vote du budget, les représentants mentionnés au I du présent article ne participent pas aux décisions de la collectivité territoriale ou du groupement attribuant à la personne morale concernée un contrat de la commande publique, une garantie d'emprunt ou une aide revêtant l'une des formes prévues au deuxième alinéa du I de l'article L. 1511-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 1511-3, ni aux commissions d'appel d'offres ou à la commission prévue à l'article L. 1411-5 lorsque la personne morale concernée est candidate, ni aux délibérations portant sur leur désignation ou leur rémunération au sein de la personne morale concernée.


III.- Le II du présent article n'est pas applicable :

1° Aux représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements qui siègent au sein des organes décisionnels d'un autre groupement de collectivités territoriales ;

2° Aux représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements qui siègent au sein des organes décisionnels des établissements mentionnés aux articles L. 123-4 et L. 123-4-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 212-10 du code de l'éducation. »

 

En accompagnement de cette réforme, l’article L. 2131-11 du CGCT a ainsi été modifié par la même loi « 3DS »[3] :

« Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. En application du II de l'article L. 1111-6, les représentants des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales mentionnés au I du même article L. 1111-6 ne sont pas comptabilisés, pour le calcul du quorum, parmi les membres en exercice du conseil municipal. »

 

 

Le nouvel article L. 1111-6 peut être analysé comme posant, dans son I, une présomption simple d’absence d’intérêt illégal à l’affaire au sens du texte pénal relatif à la prise illégale d’intérêts[4] et des textes de portée administrative relatifs aux conflits d’intérêts[5] au bénéfice des représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein de certains organismes extérieurs.

 

 

La rédaction du texte soulevait des interrogations sur certains aspects de son application[6], dont plusieurs viennent d’être éclaircies par une récente réponse ministérielle relative à la participation d’un conseiller départemental à un vote du conseil départemental concernant le SDIS alors qu’il représente la collectivité au sein du conseil d’administration de ce service[7].

 

 

En premier lieu, le caractère simple de la présomption posée par le I de l’article L. 1111-6 est explicité en ces termes :

 

« … un conseiller départemental, représentant le département au sein du CA du SDIS, n’a pas, en principe, à s’abstenir de participer aux délibérations du conseil départemental concernant ses relations avec le SDIS, sauf dans les cas prévus par le II de l’article L. 111-6 et, dans les cas d’une situation manifeste d’interférence d’intérêts publics ou d’intérêts publics et privés dans l’exercice de son double mandat de conseiller départemental et de membre du CA du SDIS, de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans ses fonctions. »

 

 

Le ministre confirme ainsi que l’expression « de ce seul fait » figurant à l’article L. 1111-6  indique que la présomption posée par ce texte est réfragable, le représentant pouvant se trouver en situation de conflit d’intérêts du fait d’autres éléments que sa seule participation à ces instances.

 

Tel serait le cas s’il était établi que par cette participation se traduit par la prise d’intérêts personnels, étrangers, voire contraires, à ceux de sa collectivité et/ou de l’organisme.

 

En d’autres termes, la qualité de représentant ne confère pas une garantie absolue, la satisfaction d’intérêts étrangers dans le cadre de l’exercice des fonctions de représentant demeurant punie par le texte répressif de l’article 432-12 du code pénal et les textes de portée administrative des articles L. 2131-11 du CGCT et 2 de la loi du 11 octobre 2013[8].

 

 

En deuxième lieu, la réponse commentée confirme que la protection de l’article L. 1111-6 I ne bénéficie qu’aux représentants siégeant dans un organisme extérieur « en application de la loi »[9].

 

Le ministre indique à cet égard que « dans le cas d’un service départemental d’incendie et de secours (SDIS), les dispositions de l’article L. 1111-6 du CGCT s’appliquent dès lors que la participation des conseillers départementaux au conseil d’administration (CA) du SDIS est réalisée en application des articles L. 1424-24-1 et L. 1424-24-2 du CGCT. »

 

 Il ne précise toutefois pas s’il faut faire une application littérale de l’article L. 1111-6 I et restreindre la protection aux participations prévues par un texte de valeur législative, à l’exclusion des textes de valeur règlementaire.

 

La question demeure donc ouverte et selon nous il ne convient pas de se limiter à une lecture trop stricte du texte[10].

 

 

 

En troisième lieu, enfin, la réponse rapportée indique que la protection de l’article L. 1111-6 I s’applique aux décisions relatives aux dépenses obligatoires d’une collectivité envers une structure au sein de laquelle siège le représentant :

 

« A titre d’exemple, il [l’élu représentant] n’a pas à se déporter du vote par le conseil départemental de la délibération qui fixe la contribution obligatoire de celui-ci au budget du SDIS en application de l’article L. 3321-1 du CGCT. »  

 

Le ministre reprend ainsi les dispositions du II de l’article L. 1111-6, aux termes duquel l’obligation de déport qu’il instaure ne s’applique pas aux décisions relatives aux dépenses obligatoires telles que définies par l’article L. 1612-15 du CGCT[11] ni au vote du budget.

 

 

 

En conclusion, le ministre a apporté certains éclaircissements sur les conditions d’application du nouvel article L. 1111-6 du CGCT, rappelant surtout que son bénéfice était soumis à certaines conditions et qu’il ne conférait pas aux élus une protection absolue, les conflits d’intérêts demeurant prohibés et pénalement sanctionnés.

 

 

 

Paris, le 18 juillet 2023

 

Stéphane Penaud

Avocat à la Cour



[1] Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.
[2] Article 217 1° de la loi du 21 février 2022.
[3] Article 217 3° de la loi du 21 février 2022 (les modifications apportées par ce texte sont signalées en gras souligné).
[4] Article 432-12 du code pénal.
[5] Articles L 2131-11 du CGCT et 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
[6] Sur ce point, v. Stéphane Penaud Prise illégale d’intérêts : dernier acte de la réforme avec la loi « 3DS », AJ Pénal 2022, p. 305.
[7] Réponse à Jean-Louis Masson, JO Sénat, 16 mars 2023, p. 1854, n° 01843 ; BJCL n° 5/2023, p. 391.
[8] Sur cette question, v. Stéphane Penaud, article précité à l’AJ Pénal.
[9] Article L. 1111-6 I.
[10] Cf. Stéphane Penaud, article AJ Pénal précité.
[11] Dans le cas des SDIS, la contribution du département à leur financement constitue une dépense obligatoire par application de l’article L. 3321-1 12° du CGCT.

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