Delphine KRUST a commenté dans l'AJCT d'avril 2011 un arrêt du Conseil d'Etat du 28 janvier 2011, Depret (req. n) 342388) :
Par la décision commentée, le Conseil d’Etat apporte des précisions importantes, sans être radicales, tant sur la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA) du fonctionnaire placé en position de disponibilité d’office à la suite de l’expiration de ses droits à congé maladie pour faire valoir ses droits devant le juge des référés que sur les obligations en matière d’information de l’agent auxquelles l’administration est tenue lors de cette procédure.
En l’espèce, un fonctionnaire territorial placé durablement en congé de maladie et, à l’expiration de ses droits à congé, a été placé d’office en position de disponibilité, puis maintenu dans cette position, sans avoir été informé de ses droits devant le juge des référés, à communication de son dossier et de recours au comité médical supérieur. L’agent a contesté la légalité de cette décision et en a demandé la suspension par la voie devant le juge des référés, en, application des dispositions de l’article L. 521-1 du CJA.
Censurant la décision du juge des référés de première instance qui avait rejeté le recours pour absence de justification de la condition d‘urgence, le Conseil d’Etat est amené à préciser, au cas particulier du maintien en disponibilité d’office, les conditions d’un tel recours.
S’agissant tout d’abord de la condition d’urgence, la juge constate que la position de mise en disponibilité d’office, à l’issue des droits à congé maladie, prive l’agent de toute rémunération et constitue, de ce fait, une présomption d’urgence, au sens des dispositions de l’article L.521-1 du CJA.
Ce texte prévoit que le juge des référés peut ordonner la suspension d’une décision administrative dés lors qu’il constate une situation d’urgence et qu’il a un doute quant à la légalité de la décision contestée. L’urgence est ainsi caractérisée lorsque cette décision « préjudicie de manière grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il en va ainsi, alors même que cette décision n’aurait un objet ou des répercussions que purement financières et que, en cas d’annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire » (CE sect. 19 janvier 2001, Confédération Nationale des Radios Libres, req. n° 228815).
Cette urgence « s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce », ou plus précisément « objectivement et globalement » (CE sect. 28 février 2001, Préfet des Alpes Maritimes c/ Sté Sud Est Assainissement, req. n° 229562).
Appliqué au cas des agents publics privés de leur traitement par des décisions prises à leur encontre, le juge considère, selon une analyse in concreto jamais démentie, que la condition d’urgence est remplie lorsque la décision en cause prive le requérant d’une partie ou de la totalité de son traitement (CE 25 avril 2001, Commune des Angles, req. n° 230439). Pour autant, cette situation permet simplement au requérant de se prévaloir d’une présomption « eu égard à la nature et aux effets de la mesure » (CE 24 juillet 2009, Gonçalves, req. n° 325638, AJFP mars-avril 2010, p. 104, note Rémy Fontier dans le cas d’une radiation des cadres ; CE 7 avril 2010, req. n° 333136, pour le licenciement d’un fonctionnaire en fin de disponibilité d’office), qui peut être combattue par toute preuve contraire apportée par l’administration, sauf à être confortée par le requérant lui-même qui justifierait de l’insuffisance de ses revenus, au regard de sa nouvelle situation, personnelle et familiale (CE 28 janvier 2011, arrêt commenté, qui retient l’endettement de l’agent, idem TA Paris ord. Mokrane c/ La Poste 20 juillet 2009, n° 0911376 pour une exclusion temporaire de fonctions de 6 mois).
S’agissant en second lieu du doute sérieux sur la légalité de la décision, le juge fait une application stricte des droits reconnus à l’agent par les textes relatifs aux droits des agents placés en congés de maladie.
Le dernier alinéa de l’article 4 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux prévoit en effet que l’administration territoriale doit informer l’agent de ses droits avant toute décision prise sur avis obligatoire du comité médical départemental. L’autorité doit alors adresser à l’agent un certain nombre d’informations, parmi lesquelles figurent ses droits tant à consultation de son dossier médical qu’à l’exercice d’un recours. Ces droits revêtent un caractère substantiel, dont la violation affecte la légalité de la décision subséquente, ou, en l’espèce, constitue un doute sérieux quant à la légalité de la décision dans le cadre d’une procédure de référé suspension.
La rigueur de la sanction juridictionnelle par le juge des référés, ne peut qu’inciter les administrations à respecter ces droits essentiels, au risque de voir leurs décisions censurées prématurément.
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